Le petit Sapin H. C. Andersen – PARTIE 1
Là-bas, dans la forêt, il y avait un joli sapin. Il était bien placé, il avait du soleil et de l’air ; autour de lui poussaient de plus grands camarades, pins et sapins. Mais il était si impatient de grandir qu’il ne remarquait ni le soleil ni l’air pur, pas même les enfants de paysans qui passaient en bavardant lorsqu’ils allaient cueillir des fraises ou des framboises.
« Oh ! si j’étais grand comme les autres, soupirait le petit sapin, je pourrais contempler le vaste monde. Le soleil ne lui causait aucun plaisir, ni les oiseaux, ni les nuages roses qui, matin et soir, naviguaient dans le ciel au-dessus de sa tête. L’hiver, lorsque la neige étincelante entourait son pied de sa blancheur, il arrivait souvent qu’un lièvre bondissait, sautait par-dessus le petit arbre – oh ! que c’était agaçant ! Mais, quand vint le troisième hiver, le petit arbre était assez grand pour que le lièvre fût obligé de le contourner.
Oh ! pousser, pousser, devenir grand et vieux, c’était là, pensait-il, la seule joie au monde. En automne, les bûcherons venaient et abattaient quelques-uns des plus grands arbres. Cela arrivait chaque année et le jeune sapin, qui avait atteint une bonne taille, tremblait de crainte, car ces arbres magnifiques tombaient à terre dans un fracas de craquements. Où allaient-ils ? Quel devait être leur sort?
Au printemps, lorsque arrivèrent l’hirondelle et la cigogne, le sapin leur demanda :
– Savez-vous où on les a conduits ? Les avez-vous rencontrés ?
Les hirondelles n’en savaient rien, mais la cigogne eut l’air de réfléchir, hocha la tête et dit :
– Oui, je crois le savoir, j’ai rencontré beaucoup de navires tout neufs en m’envolant vers l’Égypte, sur ces navires il y avait des mâts superbes, j’ose dire que c’étaient eux, ils sentaient le sapin.
– Oh ! si j’étais assez grand pour voler au-dessus de la mer ! Comment est-ce au juste la mer ? À quoi cela ressemble-t-il?
– Euh ! c’est difficile à expliquer, répondit la cigogne. Et elle partit.
– Réjouis-toi de ta jeunesse, dirent les rayons du soleil, réjouis-toi de ta fraîcheur, de la jeune vie qui est en toi. Le vent baisa le jeune arbre, la rosée versa sur lui des larmes, mais il ne les comprit pas.